Publié le 2 mai 2024
– Mis à jour le 2 mai 2024
Les termites, souvent caricaturés comme des ravageurs voraces de bois, jouent en réalité un rôle clé en tant qu’ingénieurs écologiques au sein des forêts tropicales. Seule une fraction d'entre eux cause des dommages conséquents aux habitations. Pourtant, une étude récente parue dans le journal Neobiota, tire la sonnette d’alarme sur un changement significatif. Avec le réchauffement climatique et l'augmentation des interconnexions entre les villes et les écosystèmes proches et éloignés, les termites envahissants pourraient coloniser les villes du monde entier.
Le changement climatique, poursuivant sa marche implacable, confronte le monde non seulement à des températures en hausse et à des conditions météorologiques extrêmes, mais aussi à une menace insidieuse pour nos maisons : les termites envahissants. Bien que le réchauffement climatique soit désormais un fait connu de tous, sa capacité à accroître le risque d’invasions de termites peut surprendre. Cette menace pourrait engendrer des coûts considérables, les dommages causés par les termites envahissants étant déjà estimés à plus de 40 milliards de dollars par an.
Dans une étude publiée dans le journal en libre accès Neobiota, le doctorant Edouard Duquesne et le Professeur Denis Fournier du
Laboratoire Evolution Biologique et Ecologie (Université libre de Bruxelles) dévoilent la réalité préoccupante de l'expansion potentielle des termites envahissants vers de nouveaux territoires. Leurs recherches révèlent qu’avec l’augmentation des températures et les changements climatiques en cours, des villes du monde entier pourraient bientôt être confrontées à ces ravageurs minuscules mais destructeurs, allant des zones tropicales chaudes telles que Miami, São Paulo, Lagos, Jakarta ou Darwin aux métropoles tempérées comme Paris, Bruxelles, Londres, New York ou Tokyo.
Mais comment ces termites, habituellement associés aux climats tropicaux, parviennent-ils à envahir des villes au-delà de leur habitat naturel ? La réponse se trouve dans l'interconnexion de notre monde moderne. L'urbanisation, avec ses populations denses et les connexions entre villes et écosystèmes, fournit un environnement propice aux invasions de termites. De plus, le commerce mondial des biens, y compris les meubles en bois transportés par des navires privés, offre des voies insoupçonnées à ces envahisseurs silencieux pour voyager jusqu'à nos maisons.
« Une colonie de termites isolée, tapie dans un petit morceau de bois, pourrait clandestinement voyager des Antilles jusqu'à votre appartement à Cannes. Elle pourrait par exemple se cacher dans des meubles à bord d'un yacht amarré au port de Cannes pendant le Festival du film. Les reines et les rois de termites, qui ont en charge la reproduction, s'envolent, se reproduisent et, attirés par les strass et la lumière, jettent les bases de nouvelles colonies pour conquérir la terre ferme ».
Les recherches de E. Duquesne et D. Fournier mettent en avant la nécessité d'un changement de paradigme dans notre approche de la modélisation des espèces envahissantes. En intégrant des variables de connectivité telles que le commerce international, le transport ou la densité des populations, leur étude souligne l'importance de comprendre les interactions complexes qui facilitent la propagation des termites.
À la lumière de leurs résultats, les chercheurs appellent à une action rapide de la part des décideurs politiques et des citoyens. Les grandes villes, quel que soit leur climat, doivent mettre en place des mesures strictes de contrôle des termites pour protéger les maisons et les infrastructures. « Les citoyens peuvent jouer un rôle crucial en utilisant la technologie, comme les applications assistées par l'IA telles que iNaturalist, pour détecter et signaler la présence de termites, transformant ainsi les résidents ordinaires en gardiens vigilants de leur environnement » soulignent les chercheurs. « Alors que nous faisons déjà face aux défis d'un climat en mutation rapide, la sensibilisation et les mesures proactives sont notre meilleure défense contre la menace rampante des termites envahissants » concluent-ils.
Connectivity and climate change drive the global distribution of highly invasive termites
NeoBiota 92: 281-314.
Edouard Duquesne, Doctorant FRIA
Evolutionary Ecology & Ecology, Université libre de Bruxelles, Belgium
Email:
Edouard.Duquesne@ulb.be
Denis Fournier, Chercheur qualifié FRS-FNRS
Evolutionary Ecology & Ecology, Université libre de Bruxelles, Belgium
Email:
Denis.Fournier@ulb.be