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Scientific Woman of the Week - Sophie Germain

Publié le 17 avril 2023 Mis à jour le 4 décembre 2024

Entre les nombres premiers et les vibrations des plaques, Sophie Germain ou Antoine Auguste Le Blanc ?

Sophie Germain (1776-1831) est une mathématicienne française qui a apporté des contributions à deux sujets distincts : la théorie des nombres et la mécanique des plaques vibrantes.

Dès sa jeunesse elle se passionne pour les mathématiques, qu’elle étudie en autodidacte. En 1794, l’École Polytechnique vient de s’ouvrir, mais n’est pas accessibles aux filles. Elle suit les cours à travers les syllabus en envoyant des remarques et des questions sous le pseudonyme d’Antoine Auguste Le Blanc. Impressionné par ces textes, le mathématicien Joseph-Louis Lagrange demande à la rencontrer et continue à l’aider dans ses études, sans se soucier du règlement.

Sophie Germain s’intéresse d’abord à la théorie des nombres, dont Carl Friedrich Gauss vient de publier le grand ouvrage, les Disquisitiones arithmeticae. Elle entame une correspondance avec lui – sous le nom de Le Blanc – échangeant et discutant des propriétés des nombres.

Mais en 1806, Napoléon Bonaparte remporte la bataille d’Iena et occupe une partie de la Prusse où Gauss vit. Se souvenant qu’Archimède avait été tué par un soldat romain lors de la prise de Syracuse en 212 BC, elle recommande à un ami de sa famille, le Général de Pernety, de veiller au bien-être de Gauss. En fait, celui-ci ne risque rien mais de Pernety lui fait savoir que Mademoiselle Sophie Germain a insisté pour qu’on le protège. Gauss ne peut que répondre qu’il n’a jamais entendu parler de Mlle Germain. Il s’en suit un remarquable échange épistolaire[1] :

En me rendant compte de l’honorable mission dont je l’avais chargé, M. de Pernety m’a mandé qu’il vous avait fait connaître mon nom : cette circonstance me détermine à vous avouer que je ne vous suis pas aussi parfaitement inconnue que vous le croyez ; mais que, craignant le ridicule attaché au titre de femme savante, j’ai autrefois emprunté le nom de M. Le Blanc pour vous écrire et vous communiquer des notes qui, sans doute, ne méritaient pas l’indulgence avec laquelle vous avez bien voulu y répondre. J’espère que la singularité, dont je fais aujourd’hui l’aveu, ne me privera pas de l’honneur que vous m’avez accordé sous un nom emprunté, et que vous ne dédaignerez pas de consacrer quelques instants à me donner directement de vos nouvelles. [Sophie Germain]

La réponse de Gauss, écrite en français le 30 avril 1807, souligne le rôle des mœurs et des préjugés quant à la place des femmes en mathématique :
 

Votre lettre du 20 février a été pour moi la source d’autant de plaisir que de surprise. Combien l’acquisition d’une amitié aussi flatteuse et précieuse est-elle douce à mon cœur ! Mais comment vous décrire mon admiration et mon étonnement, en voïant se métamorphoser mon correspondant estimé M. Leblanc en cette illustre personnage, qui donne un exemple aussi brillant de ce que j’aurois peine de croire. Mais lorsqu’une personne de ce sexe, qui, par nos mœurs et par nos préjugés, doit rencontrer infiniment plus d’obstacles et de difficultés, que les hommes, à se familiariser avec ses recherches épinenses, sait néanmoins franchir ces entraves et pénétrer ce qu’elles ont de plus caché, il faut sans doute, qu’elle ait le plus noble courage, des talents tout à fait extraordinaires, le génie supérieur.

En théorie des nombres, Sophie Germain obtient des résultats partiels sur le « grand théorème de Fermat », un énoncé de 1637 qui n’a été démontré qu’en 1995. Au passage, elle introduit les « nombres premiers de Germain », les nombres premiers p tels que 2p+1 est également premier. Les plus petits sont : 2, 3, 5, 11, 23, …

Aujourd’hui, on pense qu’il y en a une infinité, mais on ne l’a pas démontré. Le plus grand nombre de Germain connu actuellement comporte 388.342 chiffres. Ces nombres ont des applications en cryptographie.

En mécanique, Napoléon Bonaparte offre le Grand Prix des Sciences Mathématiques à celui qui expliquerait les « figures de Chladni », obtenues en faisant vibrer une plaque saupoudrée de sable. La médaille est finalement accordée à Sophie Germain en 1816. Son mémoire qui lui vaut la récompense se démarque entre autres des travaux précédents par le fait qu’elle y inclut le comportement des surfaces courbées en plus des plaques planes. Remarquablement, la notion de « courbure moyenne », qu’elle introduit dans ces cas des surfaces courbes, précède de dix ans les travaux de Gauss qui expliquent les diverses notions de courbure des surfaces. La courbure moyenne est encore abondamment étudiée aujourd’hui.

Au cours des dernières années de sa vie, Sophie Germain se concentre sur la rédaction d’écrits philosophiques. Elle décède le 27 juin 1831 à Paris.
 


[1] images.math.cnrs.fr/Du-cote-des-lettres-une-lettre-de-Sophie-Germain-a-Carl-Friedrich-Gauss

Crédit photo :  Creative Commons 
Date(s)
du 17 avril 2023 au 24 avril 2023