Première femme à obtenir la médaille Fields, Maryam Mirzakhani marque de son influence l’univers des mathématiques. Retour sur une trajectoire de vie hors du commun pour cette chercheuse à l’imagination sans limites.
Maryam Mirzakhani est née en 1977 à Téhéran, en Iran. D’abord passionnée de littérature, pendant toute son enfance et une grande partie de son adolescence, Maryam Mirzakhani rêve de devenir écrivaine. Elle raconte dans une interview qu’elle doit son premier souvenir mathématique à son frère qui lui a décrit l’inventivité dont Carl Friedrich Gauss, le « prince des mathématiciens », a fait preuve à l’âge de 10 ans pour additionner facilement les nombres de 1 à 100.
« Ce fut la première fois que j’ai apprécié la beauté d’une solution. »
Maryam Mirzakhani effectue ses études secondaires à Farzanegan, dans un lycée privé pour jeunes filles surdouées. En 1994, elle participe aux Olympiades Internationales de Mathématiques de Hong Kong où elle remporte une médaille d’or avec un score de 41 sur 42. L’année suivante elle participe aux Olympiades de Vancouver où elle rejoint le « Hall of Fame » de cette compétition, en obtenant une seconde médaille d’or d’affilée, cette fois sur un score parfait.
Ces prouesses lui permettent d’intégrer la prestigieuse université Sharif de technologie de Téhéran, où elle se lie d’amitié avec de nombreux mathématiciennes et mathématiciens avec lesquels elle passe de longues heures à résoudre des problèmes et à discuter de résultats mathématiques récents.
« Plus je passais de temps à faire des mathématiques, plus j'étais heureuse. »
Maryam Mirzakhani achève ses études pré-doctorales à Sharif en 1999, et part aux Etats-Unis faire sa thèse de doctorat à l’université de Harvard sous la direction de Curtis McCullen, médaillé Fields en 1998. Sa thèse, obtenue en 2004, intitulée “Simple Geodesics on Hyperbolic Surfaces and Volume of the Moduli Space of Curves”, attire immédiatement l’attention de la communauté par la qualité exceptionnelle des résultats qu’elle contient. Elle déclare lors d’une interview au Guardian :
« La beauté des mathématiques ne se montre qu’à ses adeptes plus patients. »
Une partie des travaux de thèse de Maryam Mirzakhani a porté sur l'étude des géodésiques (c’est-à-dire des courbes de « plus court chemin ») sur des surfaces courbes remarquables, appelées « surfaces hyperboliques ». Avant ses travaux, il était connu qu’une surface possédait un nombre fini de géodésiques fermées ayant une longueur inférieure à une valeur donnée, et que ce nombre croît exponentiellement en fonction de cette valeur. Maryam Mirzakhani a prouvé que sur une surface hyperbolique, le nombre de géodésiques fermées sans auto-intersections croit de façon polynomiale ; elle a également fourni des formules explicites permettant de calculer les coefficients du polynôme de croissance. Benson Farb, à l’époque professeur de mathématiques à Stanford, déclare, en parlant de ce travail : « la plupart des mathématiciens ne produiront jamais quelque chose d'aussi bon […] et Maryam Mirzakhani l'a fait dès sa thèse de doctorat ».
Maryam Mirzakhani poursuit ses travaux de recherche à Princeton, puis devient, en 2008, professeur à l’université Stanford.
Ses élèves saluent sa capacité à mélanger de manière créative les théories mathématiques ainsi que sa volonté de résoudre des problèmes apparemment insolubles. Maryam Mirzakhani perçoit des aspects liés à la littérature dans les mathématiques. Pour elle, les mathématiques ne sont pas si différentes de l'écriture d'un roman, puisque « le problème mathématique étudié évolue comme un personnage vivant ».
Elle collabore alors avec Alex Eskin de l’université de Chicago. Ensemble ils résolvent un problème mathématique auquel les physiciens se heurtent depuis un siècle : comment prévoir la trajectoire d'une boule de billard autour d'une table polygonale. Leurs travaux donnent lieu à un article très remarqué de 200 pages publié en 2013.
En 2014, elle est la première femme à recevoir la médaille Fields, la plus prestigieuse distinction en mathématique.
« J'aime franchir les frontières imaginaires que les gens établissent entre différents domaines, c'est très rafraîchissant. Il y a beaucoup d'outils, et vous ne savez pas lequel fonctionnera. Il s'agit d'être optimiste et d'essayer de relier les choses entre elles. »
En 2016, elle est la première femme d’origine iranienne à être nommée à l’Académie Nationale des Sciences aux Etats-Unis.
Maryam Mirzakhani décède des suites d’un cancer en 2017 en Californie à l’âge de 40 ans. Le président de l’Université de Stanford lui rend ainsi hommage : « Maryam est partie bien trop tôt, mais son impact se perpétuera pour les milliers de femmes qu'elle a incitées à s'intéresser aux mathématiques et aux sciences ». En 2020, George Csicsery réalise un documentaire biographique en son honneur intitulé : « Secret of the Surface : The Mathematical vision of Maryam Mirzakani ».
Crédit photo: Stanford University