Chimiste bruxelloise de renommée internationale, Lucia de Brouckère est la première femme à enseigner dans une faculté des sciences en Belgique.
Lucia de Brouckère, née le 13 juillet 1904 à Saint-Gilles, est la fille du célèbre politicien Louis de Brouckère. Lorsque la première guerre mondiale éclate, Lucia de Brouckère et sa famille se réfugient en Angleterre. Lucia de Brouckère y poursuit ses études et revient en Belgique dès la fin de la guerre. En 1923, elle décide alors d’étudier la chimie à l’Université Libre de Bruxelles. En 1927, Lucia de Brouckère décroche un doctorat en chimie, sa thèse a comme sujet « L’absorption des électrolytes par les surfaces cristallines » et est couronnée par le prix Stas de l’Académie royale de Belgique.
Remarquée pour la qualité de ses recherche, Lucia de Brouckère reste dans le milieu universitaire après ses études. Elle devient assistante auprès du professeur Jean Timmermans au sein du service de chimie-physique de l’Université Libre de Bruxelles. Ensuite, elle travaille, toujours en tant qu’assistante à l’ULB, au côté du professeur Alexandre Pinkus, dans le laboratoire de chimie analytique.
De 1930 à 1932, elle est chargée de cours à Gand et devient ainsi la première femme à enseigner dans une Faculté des Sciences en Belgique. De 1937 à 1940, elle devient titulaire du cours d’éléments de chimie générale à l’Université Libre de Bruxelles.
Lors de la deuxième guerre mondiale, l’Université Libre de Bruxelles suspend les cours et Lucia de Brouckère retourne alors en Angleterre. Elle y enseigne et participe à des recherches en chimie à des fins militaires. En 1944, elle supervise la section des industries chimiques au Ministère des Affaires Économiques du gouvernement belge en exil.
En 1945, l’Université Libre de Bruxelles rouvre ses portes, Lucia de Brouckère reprend ses enseignements. Elle devient progressivement titulaire de plusieurs cours (chimie générale, chimie analytique et chimie physique). Elle modernise l’organisation du département de chimie à l’ULB, tant dans ses enseignements que dans les recherches qui y sont menées. Elle invite des intervenants étrangers et accentue l’organisation d’une formation en chimie davantage orientée vers des travaux pratiques.
Lucia de Brouckère œuvre à ce que ses étudiants deviennent de bons scientifiques mais aussi des esprits libres.
« On a besoin d’hommes et de femmes qui saisissent toutes les occasions de parfaire et de corriger leurs connaissances »
En 1953, la qualité de ses recherches est récompensée par le prix Wetrems de l’Académie Royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique.
Lucia de Brouckère devient Doyenne de la Faculté des Sciences de l’Université Libre de Bruxelles de 1960 à 1962.
En dehors de l’université, Lucia de Brouckère exercera de nombreux mandats. En 1952, elle commence à siéger dans les commission du Fonds national de la Recherche Scientifique. Elle préside la Société belge de chimie dès 1958. Elle devient membre, à partir de 1965, du conseil d’administration des Institutions internationales de Physique et de Chimie de Solvay.
Afin de motiver les jeunes à se lancer dans des études scientifiques, elle participe également à la création des Jeunesses Scientifiques et du Centre Universitaire du Film Scientifique. En 1974, un fonds Lucia de Brouckère est créé afin de soutenir les jeunes chercheurs et chercheuses en chimie lors de leurs voyages d’études à l’étranger. Au département de chimie de l’ULB, des bourses de voyages de Brouckère sont toujours aujourd’hui octroyées aux jeunes chimistes effectuant une thèse de doctorat.
Lucia de Brouckère est une scientifique très engagée. Selon elle, un bon scientifique ou une bonne scientifique ne peut se contenter de contribuer dans son domaine d’étude, mais doit aussi embrasser les sujets qui l’entourent, comme la politique, l’économie ou la culture. Elle lutte pour une recherche libre et indépendante. Fervente défenseuse des valeurs démocratiques, elle est élue première femme à la tête du Comité Mondial des Femmes contre la Guerre et le Fascisme en 1934. Elle défend le libre examen, la reconnaissance de la laïcité et le droit des femmes. À la suite de mai 68, elle est élue Présidente de la commission de réforme de l’Université Libre de Bruxelles. Parmi les nombreux combats qu’elle mène, elle participe notamment à la lutte pour la suspension de la loi anti-avortement.
Lucia de Brouckère décède le 3 novembre 1982 à Ixelles.